Voici
une fable, dont le thème serait plus proche
de celui de la farce ou du conte, par laquelle La Fontaine
nous montre que "chassez le naturel, il revient au galop".
Bonne lecture !
LA CHATTE MÉTAMORPHOSÉE
EN FEMME (*) |
Un Homme chérissait éperdument sa Chatte,
Il la trouvait mignonne, et belle, et délicate,
Qui miaulait
d'un ton fort doux :
Il était plus
fou que les fous.
Cet Homme donc, par prières, par larmes,
Par sortilèges
et par charmes, (1)
Fait tant
qu'il obtient du Destin
Que sa Chatte
en un beau matin
Devient femme, et le
matin même,
Maître sot (2) en fait
sa moitié.
Le voilà fou d'amour
extrême,
De fou qu'il était
d'amitié.
Jamais la
Dame la plus belle
Ne charma
tant son Favori
Que fait cette
Épouse nouvelle
Son hypocondre
(3) de Mari.
Il l'amadoue
(4), elle le flatte ;
Il n'y trouve
plus rien de Chatte,
Et poussant
l'erreur jusqu'au bout,
La croit femme
en tout et partout,
Lorsque quelques Souris qui rongeaient de la natte (5)
Troublèrent le plaisir des nouveaux mariés.
Aussitôt la
Femme est sur pieds.
Elle manqua
son aventure.
Souris de revenir, Femme d'être en posture (6).
Pour cette fois, elle accourut à point
;
Car ayant changé de
figure,
Les Souris
ne la craignaient point.
Ce lui fut
toujours une amorce (7),
Tant le naturel
a de force.
Il se moque de tout, certain âge accompli.
Le vase est imbibé, l'étoffe a pris son pli.
En vain de
son train ordinaire
On le veut
désaccoutumer.
Quelque chose
qu'on puisse faire,
On ne saurait le
réformer.
Coups de fourche ni
d'étrivières (8)
Ne lui font changer de
manières ;
Et, fussiez-vous
embâtonnés (9),
Jamais vous n'en serez
les maîtres.
Qu'on lui
ferme la porte au nez,
Il reviendra par les
fenêtres.