Javascript Menu by Deluxe-Menu.com fable Jean de La Fontaine : La chauve-souris, le buisson et le canard
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Fable, Jean de La Fontaine, 
La Chauve-souris, le Buisson et le Canard,  Livre XII, fable 7
 

La Chauve-souris, le Buisson et le Canard

Le Buisson, le Canard et la Chauve-Souris,
               Voyant tous trois qu'en leur pays
               Ils faisaient petite fortune,
Vont trafiquer au loin, et font bourse commune.
Ils avaient des comptoirs, des facteurs (1), des agents
               Non moins soigneux qu'intelligents,
Des registres exacts de mise (2) et de recette.
               Tout allait bien, quand leur emplette,
               En passant par certains endroits,
               Remplis d’écueils, et fort étroits,
               Et de trajet très difficile,
Alla tout emballée au fond des magasins
               Qui du Tartare sont voisins.
Notre Trio poussa maint regret inutile,
               Ou plutôt il n'en poussa point.
Le plus petit Marchand est savant sur ce point ;
Pour sauver son crédit, il faut cacher sa perte.
Celle que, par malheur, nos gens avaient soufferte
Ne put se réparer : le cas fut découvert.
Les voilà sans crédit, sans argent, sans ressource,
               Prêts à porter le bonnet vert (3).
               Aucun ne leur ouvrit sa bourse.
Et le sort (4) principal, et les gros intérêts,
               Et les Sergents (5) et les procès,
               Et le Créancier à la porte,
               Dès devant la pointe du jour,
N'occupaient le Trio à chercher maint détour,
               Pour contenter cette cohorte.
Le Buisson accrochait les passants à tous coups :
Messieurs, leur disait-il, de grâce, apprenez-nous
               En quel lieu sont les marchandises
               Que certains gouffres nous ont prises
Le Plongeon (6) sous les eaux s'en allait les chercher.
L'Oiseau Chauve-Souris n'osait plus approcher
               Pendant le jour nulle demeure ;
               Suivi de Sergents à toute heure,
               En des trous il s'allait cacher.
Je connais maint detteur qui n'est ni Souris-Chauve,
Ni Buisson, ni Canard, ni dans tel cas tombé,
Mais simple grand seigneur, qui tous les jours se sauve
                Par un escalier dérobé.


 

La misère des endettés, voilà le thème de la fable du jour.
La source est Esope : "la chauve-souris, la ronce et la mouette" ( Nevelet p.124)
"On est tenté d'y voir une allusion, comme toujours indirecte et pudique, aux difficultés d'argent que connut L.F. dans ses dernières années" (M. Fumaroli, L.F., fables)
Les trois malchanceux attirent la sympathie, et leur malheur suscite l'apitoiement. L.F. redevient ironique, à la fin seulement, en parlant des grands seigneurs

 

 

 

(1) commis qui sert un grossiste
(2) dépense : dans un compte, il y a 2 parties : les mises
et les recettes
(3) c'est avoir fait cession de ses biens à ses créanciers
(4) le fonds
(5) les huissiers
(6) chez les devanciers de L.F. , le plongeon tenait la place du canard. "Le plongeon est un oiseau qui
approche du canard", dit Furetière

illustration Grandville
Illustration : Grandville

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