Javascript Menu by Deluxe-Menu.com fable Jean de La Fontaine : Le Faucon et le Chaponr
portrait de Jean de La Fontaine le corbeau de la fable jardin de la maison natale actuellement le perron de l'entrée de la maison
Fable, Jean de La Fontaine, 
Le Faucon et le Chapon,  Livre VIII, fable 21
 

LE FAUCON ET LE CHAPON

Une traîtresse voix bien souvent vous appelle  ;
               Ne vous pressez donc nullement :
Ce n'était pas un sot, non, non, et croyez-m'en,
               Que le Chien de Jean de Nivelle (1)
Un citoyen du Mans, Chapon de son métier (2)
               Était sommé de comparaître
               Par-devant les Lares (3) du maître,
Au pied d'un tribunal que nous nommons foyer.
Tous les gens lui criaient pour déguiser la chose,
Petit, petit, petit : mais, loin de s'y fier,
Le Normand et demi (4) laissait les gens crier :
Serviteur (5), disait-il, votre appât est grossier ;
               On ne m'y tient pas ; et pour cause.
Cependant un Faucon sur sa perche (6) voyait
               Notre Manceau qui s'enfuyait.
Les Chapons ont en nous fort peu de confiance,
               Soit instinct, soit expérience.
Celui-ci qui ne fut qu'avec peine attrapé,
Devait le lendemain être d'un grand soupé,
Fort à l'aise, en un plat, honneur dont la Volaille
               Se serait passée aisément.
L'Oiseau chasseur lui dit : Ton peu d'entendement
Me rend tout étonné. Vous n'êtes que racaille,
Gens grossiers, sans esprit, à qui l'on n'apprend rien.
Pour moi, je sais chasser, et revenir au maître.
               Le vois-tu pas à la fenêtre ?
Il t'attend : es-tu sourd ? Je n'entends que trop bien,
Repartit le Chapon ; mais que me veut-il dire,
Et ce beau Cuisinier armé d'un grand couteau ?
               Reviendrais-tu pour cet appeau (7) :
               Laisse-moi fuir, cesse de rire
De l'indocilité qui me fait envoler,
Lorsque d'un ton si doux on s'en vient m'appeler.
               Si tu voyais mettre à la broche
               Tous les jours autant de Faucons
               Que j'y vois mettre de Chapons,
Tu ne me ferais pas un semblable reproche.

 

 


Sources : Pilpay (Le Livre des Lumières, p. 112-113), Histoire du Faucon et de la Poule. La mise en scène de L.F. n'est pas dans la fable de Pilpay

La lucidité du chapon quant à sa destinée et sa fuite ne le sauvent pas de la mort... (à rapprocher de la fable dans laquelle les cris justifiés du cochon ne le sauvent pas non plus de la mort)

(1) interprétation du proverbe C'est le chien de Jean de Nivelle, qui s'enfuit quand on l'appelle.
Jean de Nivelle : seigneur de Montmorency sous Louis XI, refusa de marcher contre le duc de Bourgogne, Charles Le Téméraire, bien qu'il en fût sommé par son père. Il s'enfuit dans les Flandres.
Il s'agissait de "ce" chien de Jean de Nivelle...
(2) le Maine était réputé pour ses chapons
(3) Les dieux du foyer
(4) Un Manceau (habitant du Mans) vaut un Normand et demi, dit un proverbe
(5) Façon ironiquement humble d'exprimer un refus
(6) Les fauconiers mettent leurs oiseaux "sur la perche" (Furetière)
(7)Vieux mot pour "appel"


Illustration contemporaine :
Catherine Carlier-Demagny

Lire d'autres fables