Après la lecture de cette fable, ne cassez pas vos bibelots préférés, le résultat serait
certainement beaucoup plus décevant que celui de la fable!
L'HOMME
ET L'IDOLE DE BOIS
Certain païen chez lui gardait un dieu de bois,
De ces dieux qui sont sourds, bien qu'ayant des oreilles (1).
Le païen cependant s'en promettait merveilles.
Il
lui coûtait autant que trois :
Ce
n'étaient que voeux et qu'offrandes,
Sacrifices de boeufs couronnés de guirlandes.
Jamais idole (2), quel qu'il fût,
N'avait eu cuisine si grasse,
Sans que pour tout ce culte à son hôte il échût
Succession, trésor, gain au jeu, nulle grâce.
Bien plus, si pour un sou d'orage (3) en quelque endroit
S'amassait d'une ou d'autre sorte,
L'homme en avait sa part, et sa bourse en souffrait :
La pitance(4) du dieu n'en était pas moins forte.
A la fin, se fâchant de n'en obtenir rien,
Il vous prend un levier, met en pièces l'idole,
Le trouve rempli d'or. «Quand je t'ai fait du bien,
M'as-tu valu, dit-il, seulement une obole ?
Va, sors de mon logis, cherche d'autres autels.
Tu
ressembles aux naturels
Malheureux, grossiers et stupides ;
On n'en peut rien tirer qu'avecque le bâton.
Plus je te remplissais (5), plus mes mains étaient vides:
J'ai bien fait de changer de ton.» |
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(*) Source : Esope (recueil Nevelet)
"L'homme qui a brisé une statue"
La morale était : "Il ne te servira de rien d'honorer un méchant, et en le frappant, tu en obtiendras davantage"
(1) citation des Psaumes "Ils ont des oreilles et n'entendent
pas"
(2) au XVIIème, le mot idole n'était pas obligatoirement féminin
(3) le moindre orage
(4) nourriture : mot du style simple et comique
(5) rassasiais : volontairement vulgaire
Illustration de François Chauveau
éd. de 1668
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