Javascript Menu by Deluxe-Menu.com fable Jean de La Fontaine : Le trésor et les deux hommes
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Fable, Jean de La Fontaine, 
Le trésor et les deux hommes,  Livre IX, fable 16
 

LE TRÉSOR ET LES DEUX HOMMES

Un Homme n'ayant plus ni crédit, ni ressource,
               Et logeant le Diable en sa bourse (1),
               C'est-à-dire, n'y logeant rien,
               S'imagina qu'il ferait bien
De se pendre, et finir lui-même sa misère ;
Puisque aussi bien sans lui la faim le viendrait faire,
               Genre de mort qui ne duit (2) pas
À gens peu curieux de goûter le trépas.
Dans cette intention, une vieille masure
Fut la scène où devait se passer l'aventure.
Il y porte une corde, et veut avec un clou
Au haut d'un certain mur attacher le licou.
              La muraille, vieille et peu forte,
S'ébranle aux premiers coups, tombe avec un trésor.
Notre désespéré le ramasse, et l'emporte,
Laisse là le licou, s'en retourne avec l'or,
Sans compter : ronde ou non, la somme plut au sire.
Tandis que le galant (3) à grands pas se retire,
L'homme au trésor arrive, et trouve son argent
                                  Absent.
Quoi, dit-il, sans mourir je perdrai cette somme ?
Je ne me pendrai pas ? Et vraiment si ferai (4),
Ou de corde je manquerai.
Le lacs était tout prêt ; il n'y manquait qu'un homme :
Celui-ci se l'attache, et se pend bien et beau (5).
               Ce qui le consola peut-être
Fut qu'un autre eût pour lui fait les frais du cordeau.
Aussi bien que l'argent le licou (6) trouva maître.

L'avare rarement finit ses jours sans pleurs :
Il a le moins de part au trésor qu'il enserre (7),
               Thésaurisant pour les voleurs,
               Pour ses parents, ou pour la terre.
Mais que dire du troc que la Fortune fit ?
Ce sont là de ses traits ; elle s'en divertit.
Plus le tour est bizarre, et plus elle est contente.
               Cette Déesse inconstante
               Se mit alors en l'esprit
               De voir un homme se pendre ;
               Et celui qui se pendit
               S'y devait le moins attendre.


Sources : Abstemius, mais les différences sont notables. Le canevas est emprunté à Gilbert Cousin (Cognatus) Le Pauvre et le Riche, et Guéroult, le Premier Livre des Emblèmes. Le plan de L.F. semble être proche de celui de Cousin
Les deux hommes sont aussi "pendables" l'un que l'autre, et subissent le jeu de la Fortune (le hasard). Le riche se sent pauvre et peu digne de vivre après avoir perdu son trésor ; le pauvre va connaître l'avarice et tout ce qui y est attaché... L'un ne vaut pas mieux que l'autre...

 

 

(1) expression populaire pour exprimer la pauvreté
(2) duire : convenir
(3) rusé compère
(4) je ferai ainsi
(5) bel et bien
(6) se dit aussi de la corde qui sert à étrangler les pendus (Furetière)
(7) enferme

illustration 17ème siècle : François Chauveau

Illustration :
F. Chauveau


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