Journal
de l'association pour le musée Jean de La Fontaine (suite) |
DALI
chez La Fontaine. N° 8
La collection
Feuillet de Conches. N° 8
Les aquarelles d'Auguste Delierre (1829-1891).
N° 9 (aquisition)
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DALI
chez La Fontaine. N°8
Le mot du Conservateur
Dali chez la Fontaine Peintre de génie
Salvador Dali fut également un cinéaste, un polémiste, un critique
d'art et un écrivain de talent. Artiste de sa propre fable il
sut se mettre en scène s'insinuant habilement entre vérité et
fabulation, entre sincérité et simulation. Tout artiste, tout
poète est par définition difficile à cerner mais le talent créateur
de Dali se doublait d'un don verbal qui lui permettait ce délire
contrôlé, grâce auquel il endossait avec une lucidité surréaliste
le rôle caricatural de bouffon social de génie. Si Jean de la
Fontaine avait un comportement social aux antipodes des extravagances
daliniennes, il n'est pas étonnant qu'il ait entretenu lui aussi
avec un art consommé, l'image caricaturale du "Bonhomme"
vaguement asocial et rêveur. L'instauration de cette image caricaturale
et complaisante élargit sans doute son champ de liberté et lui
permit de porter un regard des plus incisifs et des plus caustiques
sur ses contemporains enclins à plus d'indulgence de ce fait.
Les moyens et la manière sont différents, mais le système de défense
et la carapace mise en place par rapport au jeu social sont très
proches. Passionné de littérature Dali a illustré de très nombreux
textes : de la légende de Guillaume Tell à Lautréamont en passant
par Shakespeare, Benvenuto Cellini, Cervantès, Dante, Pierre de
Ronsard, Apollinaire, Sade, Mao Tsé-toung et la Bible... Il n'est
donc pas étonnant qu'il ait été attiré par les Fables de Jean
de La Fontaine - très présent par ailleurs dans la culture catalane
francophone - . |
Autre point commun avec le poète, sans être un artiste passéiste,
Salvador Dali avait comme Jean de La Fontaine un grand respect
pour la Tradition et l'Art du passé. Il fut du parti des Anciens
avec le goût de l'imitation. Comme La Fontaine le peintre portait
une grande attention à l'impact des évocations distillées par
les images précises, suggestives, placées avec minutie dans l'espace
par le peintre et dans le texte par le poète. On est spectateur
d'une restitution quasi photographique de la réalité chez les
deux créateurs. La réalité est filtrée par le médium surréaliste
chez Dali et par le transfert animal chez La Fontaine : un jeu
de décalcomanie très subtil chez l'un et l'autre. Certes le Bestiaire
de Dali n'est pas celui de La Fontaine : son bestiaire est extravagant,
névrotique, peuplé des créatures lubriques et grimaçantes de ses
fantasmes. Dans ces onze gravures des fables nouvellement entrées
dans les collections du musée, on retrouve néanmoins des constantes
de l'univers dalinien : les paysages désertiques, la végétation
anthropomorphique, les images doubles, le cheval femme, les mains
noueuses aux ongles longs, le fromage du corbeau transformé en
montre molle, la mollesse généralisée des formes une sorte de
malaise si dalinien. Sa promenade au pays des fables de la Fontaine
est surtout sa promenade au pays de ses fables qui est aussi celui
de ses rêves et de ses délires."Soyez persuadés" écrivait
Dali dans son journal "que les fameuses montres molles ne
sont autre chose que le camembert paranoïaque critique tendre
extravagant et solitaire du temps et de l'espace" il faut
savoir goûter le "camembert paranoïaque du temps et de l'espace"
le renard l'avait bien dit "cette leçon vaut bien un fromage".
Christiane
Sinnig-Haas, Conservateur du patrimoine

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La
collection Feuillet de Conches. N°8
Petite histoire de deux acquisitions
:
1/ La collection Feuillet de
Conches
Trésor du Musée Jean de La Fontaine, entré en 1969,
c'est un ensemble unique d'une édition en feuilles des œuvres de La
Fontaine, illustrées par les artistes du monde entier, entre 1828 et 1840
environ, rassemblées par le baron Félix-Sébastien Feuillet de Conches
(1798-1887).
Le baron Félix-Sébastien Feuillet de Conches (1798-1887)
et Jean de La Fontaine
Félix-Sébastien Feuillet de Conches (1798-1887) occupe
les postes d'introducteur des ambassadeurs et chef du protocole au Ministère
des Affaires Etrangères. Le culte qu'il voue à La Fontaine l'amène à
vouloir créer, pour son propre plaisir, un exemplaire unique des œuvres du
poète offrant un spécimen autographe de l'état de l'art de l'Univers à
une époque précise, sorte de musée de tous les peintres et dessinateurs
[...].Cette édition unique ne verra jamais le jour, mais le recueil
reçoit le nom de collection Feuillet de Conches.
Les illustrations des fables
Le baron acquiert en feuilles, six exemplaires de
l'édition de 1827 des œuvres de La Fontaine annotées par Walckenaer, son
premier biographe. Il les fait illustrer par les plus grands artistes de
l'époque et rassemble ensuite celles qui lui sont retournées. Les dessins de
Delacroix, Decamps, Charlet, Horace Vernet, Ingres etc. s'insèrent ainsi
dans les marges du texte imprimé ou en en-tête ou en cul-de-lampe. En 1831,
une centaine de dessins sous forme de vignettes de petites dimensions,
exécutées à la plume, au lavis, parfois rehaussés de gouache, signés par
plus de quarante-six artistes européens débutent la collection.
Les dessins orientaux
A partir de 1835, Feuillet de Conches s'emploie à réunir
des dessins venant d'Égypte, d'Abyssinie, de Perse, d'Inde, de Chine, du
Japon. Sa profession favorise ses missions à l'étranger et les relations
avec les ambassadeurs. Les miniatures indiennes, l'un des plus beaux ensembles
cohérents de miniatures indiennes du XIXe siècle, sont
exécutées par Imam Bakhsh, grand artiste du Panjab protégé par le
Maharaja. Leur origine est liée à l'histoire : appelés à l'organisation
d'une puissante armée par le Maharaja Ranjit Singh (1780-1839),
fondateur du royaume sikh du Pendjab, Jean-François Allard et Jean-Baptiste
Ventura, anciens officiers de l'armée napoléonienne, s'installent à la cour
de Lahore. Dans le cadre de relations diplomatiques avec la France, Feuillet
de Conches se lie d'amitié avec eux et ils accèdent à sa demande. En
1837-1838, Allard surveille lui-même l'exécution des peintures que Feuillet
de Conches définit comme chefs-d'œuvre, où les ciels sont d'or et
les eaux d'argent.
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Le recueil de Feuillet de Conches
Pour couronner son ouvrage, Feuillet de Conches
obtient des textes sur La Fontaine, écrits par des écrivains de renom.
En 1864, le recueil s'enrichit de l'illustration Le loup
et l'Agneau de Rosa Bonheur. Cent soixante-douze fables
illustrées (parfois de plusieurs dessins), dix contes, quelques images
ou ornements pour d'autres œuvres, composent le recueil unique de
Feuillet de Conches.
Il entre dans les collections du musée en 1969, de
façon assez inattendue. (exposition des miniatures chinoises du 7mai au 31 août 2009)
Acquisition par le musée :
Au musée, en 1968, on apprend incidemment que la
collection est à vendre. Le délai avant la vente aux enchères étant
trop court pour réunir les fonds nécessaires, Colette Prieur,
conservateur de l'époque, fait connaître à l'acheteur par
l'intermédiaire de l'expert le grand intérêt du musée pour cette
acquisition. La famille de l'acquéreur jugeant cet achat une folie,
expert et commissaire-priseur se concertent, le recueil est repris et le
musée peut réunir le financement. L'acquisition se fait !
2/ Le bestiaire de La Fontaine
Dalinisé
Au musée, en 2001, Ville et Association sont contactées
par Christiane Sinnig-Haas, Conservateur, qui vient de prendre connaissance de
la vente aux enchères du bestiaire de La Fontaine illustré par Dali. La rapidité de la décision s'impose.
Elle est positive de part et d'autre. Le financement est réuni. L'acquisition
se fait !
La Providence Sait ce qu'il nous faut, mieux que
nous. (La Fontaine)
Thérèse Pichard |

Le Maharaja Ranjit Singh se faisant expliquer les
fables par le général Ventura (cliquer pour agrandir)
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Les aquarelles de Delierre. N° 9
Actuellement, et pendant plusieurs semaines encore, une sélection des
aquarelles d'Auguste Delierre (1829-1891) vous est proposée. Elles
illustrent les fables de La Fontaine et appartiennent aux collections du
musée. L'association a pu répondre favorablement au souhait du
conservateur d'acquérir Le Cochet, le Chat et le Souriceau (fable,
Livre VI, 5) qui va s'insérer dans la série. Dix aquarelles
manquent encore pour qu'elle soit complète.
Auguste Delierre est référencé ainsi dans le
Bénézit, dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et
graveurs : "peintre d'histoire, scènes de genre, paysages animés, natures
mortes, illustrateur. Élève d'Eugène Ciceri, il participa au Salon de
Paris entre 1852 et 1889. Ses compositions de paysages animés de chiens de
chasse montrent l'influence des ouvres de Desportes et d'Oudry qu'il a
longtemps copiées. Il marque par ailleurs une prédilection pour les
natures mortes. Il a également illustré les Fables de La Fontaine."
Alain-Marie Bassy dans son livre Les Fables de La
Fontaine, quatre siècles d'illustration analyse son style pour la
représentation des fables : "S'il recherche le même angle de vue sur
l'animal que Gustave Doré, il écarte tout sens de l'effroi. L'oiseau
blessé d'une flèche n'est plus un grand oiseau migrateur mais la caille
délicieusement colorée des natures mortes."
Journal de l'association pour le musée Jean de La Fontaine |
Visiteurs
et amis du musée, fidèles de la boutique, membres de l'association, nous
avons ainsi contribué à enrichir notre musée, à promouvoir la maison
natale de Jean de La Fontaine, à faire vivre notre patrimoine culturel.
[.]. Devant [les animaux au milieu desquels nous vivons], l'œil de
Delierre est aussi froid que celui d'un entomologiste. L'art de la fable
devient chez lui le plus bel exemple de naturalisme pictural." Une
édition de luxe en deux volumes : Fables de La Fontaine. Edition
illustrée de 75 planches à l'eau-forte par A. Delierre, Paris,
Quantin, 1883, est cataloguée à la Bibliothèque Nationale. |
Articles : Thérèse Pichard |
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