LES  LOUPS ET LES BREBIS (*)
  | 
                 
             
                
                  
                   
                    Après  mille ans et plus de guerre déclarée, 
Les  Loups firent la paix avecque les Brebis. 
C'était  apparemment le bien des deux partis : 
Car,  si les Loups mangeaient mainte bête égarée, 
Les  Bergers de leur peau se faisaient maints habits. 
Jamais  de liberté, ni pour les pâturages, 
            Ni d'autre part pour les carnages : 
Ils  ne pouvaient jouir,  qu'en tremblant,  de leurs biens. 
La  paix se conclut donc ; on donne des otages : 
Les  Loups, leurs Louveteaux ; et les Brebis leurs Chiens. 
L'échange  en étant fait aux formes ordinaires, 
            Et réglé par des Commissaires (1), 
Au  bout de quelque temps que Messieurs les Louvats (2) 
Se  virent Loups parfaits et friands de tuerie (3), 
Ils  vous prennent le temps (4) que dans la bergerie 
            Messieurs les Bergers n'étaient  pas, 
Étranglent  la moitié des Agneaux les plus gras, 
Les  emportent aux dents, dans les bois se retirent. 
Ils  avaient averti leurs gens secrètement. 
Les  Chiens, qui sur leur foi, reposaient sûrement, 
            Furent étranglés en dormant : 
Cela  fut sitôt fait qu'à peine ils le sentirent. 
Tout  fut mis en morceaux ; un seul n'en échappa. 
            Nous pouvons conclure de là 
Qu'il  faut faire aux méchants guerre continuelle. 
            La paix est fort bonne de soi (5) : 
            J'en conviens ; mais de quoi (6)  sert-elle 
            Avec des ennemis sans foi ? | 
                 
             
               | 
             
           
            
  | 
          
          
            
              Dans  la fable qui suit, La Fontaine donne son avis 
                  La paix est fort bonne de soi ? mais  elle reste fragile et peu durable. 
On  peut trouver ici une allusion à la politique de Louis  XIV resté vigilant. Les expéditions dans  les Flandres et en Franche-Comté peuvent être  évoquées ici. 
 
              (*)  A l'origine se trouve l'apologue d'Ésope recueilli 
dans  Névelet : "Le loup et les moutons". D'autres 
versions  : celle de l'Anonyme, celle d'Aphtonius 
se  trouvent aussi dans le recueil Nevelet. 
                 | 
             
           
          
            
              (1)  Nous voici chez les humains; le traité de paix a des contrôleurs. 
(2)  les louveteaux 
(3)  les loups deviennent adultes et aiment tuer 
(4)  ils choisissent le temps où... 
(5)  en soi 
(6)  en quoi 
                 | 
             
         
          
            
              
                  
                    Illustration : J.J. Grandville 
                 
                | 
             
          |