La maison a certainement été construite à la
Renaissance si l'on se fie à la date : 1559, qui fut gravée à droite
de la porte, sur un pilastre Elle est en pierre de taille (pierre à la
face externe apparente, taillée), un enduit a été rapporté. Le double perron de pierre
et de brique a une rampe ancienne. Elle garde quelques éléments de
sa décoration première : une frise d'oves et de fleurs
de lys au-dessus de la porte, les petits chapiteaux sculptés,
les corniches hautes et plates. Le motif des 3 croissants, que l'on retrouve
dans les châteaux habités par Diane de Poitiers, favorite
de Henri II (fils de François Premier), figure sur la façade
de la maison mais on ne sait pas pourquoi. On ne connaît pas l'architecte de la maison Il est certain que c'est un des plus beaux hôtels
particuliers de la ville, et que sa construction a été d'un
coût très élevé. Peut-être a-t-il été édifié pour
un des principaux officiers du présidial (Tribunal d'appel des
bailliages ordinaires) établi dans la ville en 1555, ce qui expliquerait
la présence de l'emblème royal ? Les parents de La Fontaine achètent cette
maison au moment de leur mariage. Au temps de La Fontaine et jusqu'à la
fin du dix-huitième siècle, la cour donne sur la rue
par une vaste porte-cochère flanquée de deux pilastres
et couronnée d'un fronton.(
visible sur la gravure 1) Les actes de vente successifs nous apprennent
la disposition des lieux et font état de "trois corps d'hostel,
par devant, jardin derrière". A gauche, on y trouve : "1 escurie, colombier
(mot peu certain), tourelle, fournil et buscher sur lesquels lieux
il y a des gresniers et cabinetz, une grande et petite gallicine
1 ".
Contre le mur de ces bâtiments, transformés maintenant
en lieu d'accueil, on peut voir encore le vieux puits recouvert d'une
dalle en pierre. A droite, "une salle, chambres et autres
lieux, celliers dessoubz et gresniers dessus, le tout de fond en comble.
Aussy un escalier basty en tourelle couvert d'ardoises pour monter
auxdits lieux". L'escalier de la tourelle, selon la tradition,
mène au cabinet de travail de Jean de La Fontaine, situé au
premier étage sur la rue. (l'extrémité de la tourelle
est détruite vers 1820 pour éviter les frais de réparation). Depuis sa vente par Jean de La Fontaine, en
1676, à Antoine Pintrel, gentilhomme de la grande vénerie
du roy et cousin du poète, la maison du fabuliste change neuf
fois de propriétaires, jusqu'en 1869. Environ cent ans après sa vente par Jean
de La Fontaine, elle commence à subir diverses réparations
pour la rendre plus agréable à vivre : les meneaux en
pierre qui garnissent plusieurs croisées disparaissent. Le changement
de nom de "rue des Cordeliers" en "rue Jean de La Fontaine" date
de la Révolution. " En
1827, enfin, est apposée
une plaque signalant la maison natale. Jusqu'à cette date, c'est
la tradition qui conduit ceux qui veulent la visiter, ce qui est en
général bien accepté par les propriétaires.
En 1869, la Société Historique
et Archéologique crée parmi ses membres un comité d'initiative, composé de cinq membres, présidé par M. Barbey qui lance une souscription pour acheter la maison
alors en vente, la ville n'ayant pu l'acquérir faute d'un budget
suffisant. En tête de la souscription publique, on trouve l'inscription
de l'Empereur Napoléon III et celle du Ministre de l'Instruction Publique. La guerre interrompt la souscription qui est
reprise plus tard mais qui se traîne péniblement et le
Comité doit renoncer à son projet de rétablir
l'immeuble dans son état et style primitifs. Le comité ne réussit pas non plus à faire classer la maison "Monument Historique". Cela aurait évité la mutilation qu'elle dût subir en 1872 pour l'élargissement de la rue ! (
En 1870 on mentionne encore dans le jardin,
une aubépine, plantée par le poète lui-même,
dit-on.
Le 18 septembre 1872, M. Barbey, président de la Société Historique, achète la maison aux héritiers Guilloux, propriétaires, pour la somme de 16 000 francs, somme nécessaire mais pas suffisante pour rétablir la maison dans sont état et style primitifs, et c'est le
18 décembre 1876 que M. Barbey cède la maison à la ville, représentée par le maire M. Félix-Philippe de Gerbrois, à condition qu'elle pourvoie :
- A l'insuffisance de la souscription (le 1/4 de la somme),
- Qu'elle affecte à la Société un local nécessaire à ses séances,
- Que l'immeuble ait une destination indépendante, accessible à tous les amis des lettres, des sciences et des arts, telle que Bibliothèque et Musée. Ne manquent ... que les tableaux ! Puisqu'il est question de l'installation d'un musée à Château-Thierry, M. Jules Maciet, mécène pour de nombreux musées et propriétaire d'une maison à Château-Thierry, fait envoyer des tableaux à la ville (qui constituent encore maintenant le "fonds Maciet", dont beaucoup d'oeuvres sont "revenues" au musée). D'autres dons sont effectués par l'Etat. Mais ... En
1893, la Municipalité prend posession du nouvel Hôtel de Ville, qui sera inauguré sous la présidence de M. Poincaré, alors ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts ; les tableaux les plus importants y sont transportés. En décidant la réorganisation du musée dans la maison natale de La Fontaine, au premier étage (La Société de l'Ouvroir y occupant le rez de chaussée) les édiles de l'époque laissent dans la salle des fêtes de la mairie les les tableaux qui y sont exposés et d'autres donations d'artistes locaux viennent enrichir la collection du musée. Le musée était alors un musée d'art ; il ne retrouvera que progressivement son identité "La Fontaine"... En
1882, une grille remplace le portail disparu. Elle existe encore. Vers
1930, l'aile droite, ayant souffert pendant
la guerre, est restaurée.
En savoir encore plus sur les transformations de la
maison... Les travaux de restauration, depuis le début de l'année 2008 (1) Le mot gallicine semble être une erreur de transcription
: il s'agit plus vraisemblablement du mot officine : petit office (pièce
attenante à la cuisine)
(renseignements pris auprès de F.Blary, archéologue) L'INTERIEUR DE LA MAISON A chaque niveau du logis, le bel escalier central
en pierre, voûté en berceau, dessert un couloir prolongé d'un
cabinet et donnant sur deux vastes pièces éclairées à l'ouest.
Il existe encore quelques éléments de parquet ancien, et
de dallage de tomettes en terre cuite, dans les couloirs. On peut admirer les superbes plafonds à poutres
apparentes, ainsi qu'un petit salon à lambris (murs couverts de bois)
du dix-huitième siècle. "On ne sait pas dans quelle pièce est
né La Fontaine. Il n'est arrivé jusqu'à nous ni meubles,
ni objets lui ayant appartenu ou provenant de sa famille, mais le Musée
Jean de La Fontaine est riche en iconographie. Comme la popularité de
La Fontaine a toujours été grande, en France et hors de France,
les éditions de ses uvres, les objets d'art ornés de
fables abondent à toutes les époques, depuis le XVII
ème siècle
jusqu'à nos jours, depuis Chauveau, le premier illustrateur des fables,
jusqu'à Chagall, l'un des derniers. Aussi a-t-on pu attribuer une
salle à chaque époque. La plus émouvante est la grande
salle du XVII
ème siècle où sont conservés
l'acte de baptême de Jean de La Fontaine, une précieuse lettre
autographe, divers documents relatifs à ses propriétés
aux environs de Château-Thierry et à ses fonctions de maître
des eaux et forêts, les éditions publiées de son vivant
ainsi que la grande clé du portail de sa maison."