| LE  TRÉSOR ET LES DEUX  HOMMES Un  Homme n'ayant plus ni crédit, ni ressource,Et logeant le Diable en sa  bourse (1),
 C'est-à-dire, n'y logeant rien,
 S'imagina qu'il ferait bien
 De  se pendre, et finir lui-même sa misère ;
 Puisque  aussi bien sans lui la faim le viendrait faire,
 Genre de mort qui ne duit (2) pas
 À  gens peu curieux de goûter le trépas.
 Dans  cette intention, une vieille masure
 Fut  la scène où devait se passer l'aventure.
 Il  y porte une corde, et veut avec un clou
 Au  haut d'un certain mur attacher le licou.
 La muraille, vieille et peu  forte,
 S'ébranle  aux premiers coups, tombe avec un trésor.
 Notre  désespéré le ramasse, et l'emporte,
 Laisse  là le licou, s'en retourne avec l'or,
 Sans  compter : ronde ou non, la somme plut au sire.
 Tandis  que le galant (3) à grands pas se retire,
 L'homme  au trésor arrive, et trouve son argent
 Absent.
 Quoi,  dit-il, sans mourir je perdrai cette somme ?
 Je  ne me pendrai pas ? Et vraiment si ferai (4),
 Ou  de corde je manquerai.
 Le  lacs était tout prêt ; il n'y manquait qu'un homme :
 Celui-ci  se l'attache, et se pend bien et beau (5).
 Ce qui le consola peut-être
 Fut  qu'un autre eût pour lui fait les frais du cordeau.
 Aussi  bien que l'argent le licou (6) trouva maître.
 L'avare  rarement finit ses jours sans pleurs :Il  a le moins de part au trésor qu'il enserre (7),
 Thésaurisant pour les voleurs,
 Pour ses parents, ou pour la  terre.
 Mais  que dire du troc que la Fortune fit ?
 Ce  sont là de ses traits ; elle s'en divertit.
 Plus  le tour est bizarre, et plus elle est contente.
 Cette Déesse inconstante
 Se mit alors en l'esprit
 De voir un homme se pendre ;
 Et celui qui se pendit
 S'y devait le moins attendre.
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