Javascript Menu by Deluxe-Menu.com bulletin association pour le musée : La Fontaine gentilhomme servant, la duchesse de Bouillon
portrait de Jean de La Fontaine le corbeau de la fable jardin de la maison natale actuellement le perron de l'entrée de la maison
lecture du bulltinJournal de l'association pour le musée Jean de La Fontaine (suite)

Les métiers de La Fontaine :
gentilhomme servant (N°14)
L'entourage de La Fontaine :
La duchesse de Bouillon ( N°16)

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(N°14, juin 2005)
Les “ métiers ” de La Fontaine :
gentilhomme servant

L'évocation dans nos précédents bulletins de Jean de La Fontaine successivement avocat et maître des eaux et forêts, nous conduit naturellement à chercher pourquoi entre 1664 et 1672, il fut gentilhomme servant chez la duchesse douairière d'Orléans Marguerite de Lorraine, au Palais du Luxembourg.

En 1661, Nicolas Fouquet, surintendant des finances de Louis XIV vient d'être arrêté après les fastueuses fêtes de Vaux. La Fontaine, très affecté, reste un de ses plus fidèles défenseurs. En août 1663, il accompagne son oncle par alliance Jacques Jannart, substitut de Fouquet, exilé à Limoges. A son retour, fin 1663, il est inquiété à son tour pour avoir à plusieurs reprises signé son nom sous le titre d'écuyer dans des actes notariés. Il encourt alors une très forte amende pour usurpation de titre de noblesse. Il implore l'aide du duc de Bouillon, depuis peu seigneur de Château-Thierry, dans une épître plaidant sa bonne foi. Paya-t-il son amende, fut-elle payée par le duc de Bouillon ? Ayant besoin d'argent, il est probable qu'il obtint son entrée au Luxembourg grâce à la duchesse de Bouillon devenue son amie, jolie, espiègle et de plus de 25 ans sa cadette... Le 14 juillet 1664, il prête serment chez Marguerite de Lorraine et obtient le titre de gentilhomme, il ne sera plus inquiété.
Gentilhomme servant n'était pas un titre glorifiant. Celui de domestique semblerait mieux adapté à la situation. Le rôle de notre poète était d'apporter et de remporter les plats, et sans doute de faire quelques commissions pour la duchesse.

 

Ses gages étaient dérisoires. La répartition des 1800 livres entre les neuf personnes partageant la fonction ne laissait à chacun que 200 livres (le joueur de luth en gagnait 600). Les 9 titulaires se relayaient sous les ordres du sieur le Roy . Cela laissa apparemment grande liberté à notre poète : rêver dans les somptueux jardins, s'ennuyer, allant même jusqu'à écrire un poème  Pour Mignon  dédié au chien de la duchesse. Il prenait là ses repas puisque sa fonction lui en donnait l'avantage. Il ne semble pas qu'il ait logé au Luxembourg, on lit à plusieurs reprises dans des documents d'époque :  demeurant ordinairement à Château-Thierry, étant de présent à Paris logé sur le quai des Orfèvres en la maison du sieur Jannart, substitut de M. le procureur général. On lui prête aussi un logement personnel rue d'Enfer, proche du Luxembourg, ce qui justifia peut-être le retour de sa femme Marie Héricart à Château-Thierry vers 1667. Le luxe dans lequel il évoluait au Palais d'Orléans lui était familier : il en avait pris le goût à Vaux, chez Nicolas. Fouquet. L'atmosphère au Luxembourg, malgré la magnificence du lieu et du parc, devait être assez triste. La duchesse qualifiée par Tallemant des Réaux de pauvre idiote passait la majeure partie de sa vie en dévotion. De ses trois filles issues de son mariage avec Gaston d'Orléans, l'aînée était très éloignée, la cadette était morte et la seconde, encore à ses côtés, passait pour être bossue et laide.

C'est pendant cette période que l'oeuvre de La Fontaine fut la plus prolifique avec de très nombreuses parutions : les Contes (1665-1666-1671-1674), les premiers livres des Fables (1668), le roman Les Amours de Psyché et Cupidon (1669) et de nombreuses oeuvres poétiques.

En 1674, la duchesse meurt, La Fontaine perd sa dernière charge...


(N°16 : décembre 2005)
L’entourage de La Fontaine :
La duchesse de Bouillon

Nous évoquions dans notre dernier bulletin l’intervention probable de la duchesse de Bouillon qui permit à Jean de La Fontaine d’exercer la charge de gentilhomme servant au Palais du Luxembourg.
Comment cela s’est-il passé ? Qui est cette jolie et espiègle duchesse ?
A la mort de Louis XIII, Anne d’Autriche mère de Louis XIV est nommée régente, le roi étant trop jeune pour gouverner. En réalité, Mazarin, Premier ministre laisse adroitement à la reine l’illusion du pouvoir… et dirige. Il fait profiter sa famille des avantages que lui confère sa position et fait venir d’Italie ses sœurs mariées Martinozzi et Mancini ainsi que leurs enfants. Marie-Anne Mancini, ou Marianne, la future duchesse de Bouillon et protectrice de La Fontaine, septième et dernière née des nièces de Mazarin,  âgée de 6 ans, arrive  à Paris en 1655, et perd sa mère qui meurt subitement l’année suivante dans son appartement, au Louvre. Marianne ne l’aura connue que bien peu de temps…
A 9 ans, elle assiste déjà aux festivités de la Cour où on remarque sa grâce et son intelligence. La passion de Louis XIV pour la sœur de Marianne,  Marie Mancini, contraire aux exigences de la royauté, provoque le départ obligé des demoiselles Mancini pour La Rochelle. La reine apprécie déjà les lettres en vers qu’elle reçoit de Marianne…
Vers 1660, les sœurs Mancini sont de retour à Paris et habitent au Palais-Mazarin. Marianne écrit toujours en vers et avec beaucoup d’espièglerie !
Je ne suis pas fâchée d’avoir quitté Brouage,
Quoiqu’on y mange du bon fromage.
Elle tient un rôle dans les ballets royaux et fréquente la plus haute société.
En avril 1662, elle épouse dans la chapelle de la reine et en présence de toute la cour, Godefroy-Maurice de la Tour d’Auvergne, grand chambellan de France, neveu de Turenne, duc de Bouillon… et de Château-Thierry, auquel La Fontaine aura affaire pour ses charges dans les eaux et forêts. Elle a 13 ans, et lui 21.
C’est sans doute peu après cette date que La Fontaine adresse une épître  au duc de Bouillon, le priant d’intercéder en sa faveur auprès de Colbert qui l’accuse d’usurpation de titre de noblesse, parce qu’il est qualifié d’écuyer dans deux actes signés de sa main. Il encourt de ce fait une forte amende :

 

[…] deux contrats, si chétifs que rien plus,
Signés de moi, mais sans les avoir lus : Et lisez-vous tout ce qu’on vous apporte ?
J’aurais signé ma mort de même sorte.
Il implore dans cette même épître l’intervention de la duchesse :
Comme elle sait persuader et plaire,
Inspire un charme à tout ce qu’elle dit
[…]
Je suis certain qu’une double entremise
De cette amende obtiendrait la remise.

On suppose que La Fontaine n’a pas eu à payer cette amende …

A l’hôtel de Bouillon à Paris, poètes et écrivains  sont conviés, parmi lesquels La Fontaine.Saint Simon dit alors de la duchesse de Bouillon : l’esprit et la beauté la soutinrent et le monde s’accoutuma à en être dominé. Madame de Sévigné écrit dans ses lettres :
Elle fut reçue de tous ses amis, parents et amies, avec adoration, tant elle était jolie, naïve, naturelle, hardie, et d’un bon air, et d’un esprit tranquille.
Et Saint Simon : M. de Bouillon, toujours à la cour, ne la voyait guère… La vie très libre de la duchesse fait jaser à Paris et ses aventures galantes alimentent la chronique de l’époque. Cependant, malgré les extravagances de sa femme, le duc de Bouillon revient toujours vers elle, et la défend lorsqu’elle subit un interrogatoire en 1680, lors de l’affaire des poisons, dont elle sort en déclarant  tout haut : Vraiment, je n’eusse jamais cru que des hommes si sages puissent demander tant de sottises. D’avoir ridiculisé la justice lui vaut un exil de quinze mois dans le duché d’Albret, fief de la famille.
On ne connaît pas la raison exacte qui lui vaut un nouvel exil en 1687, mais on la retrouve en Angleterre chez sa sœur Hortense. Elle est alors reçue chez la reine et une lettre relate que Madame de Bouillon lui fit des contes qui la firent extrêmement rire, ce qui a fait juger que sa tristesse ne provenait que d’un mal de rate… faisant dire à La Fontaine qui écrit à cette date à la duchesse :
Vous portez en tous lieux la joie et les plaisirs
Elle demande au roi la permission de s’en aller à Venise… il lui fait répondre qu’elle aille partout où elle veut, sauf à la cour et à Paris…. En 1690, la duchesse reçoit du roi la permission de revenir à la cour… Elle retrouve parents, amis et La Fontaine auquel elle donne des nouvelles de ses amis exilés en Angleterre, parmi lesquels Saint Evremond.
Le 20 janvier 1714, à l’âge de soixante-cinq ans, elle meurt à Clichy d’une attaque d’apoplexie … aux pieds de son mari, fatiguée par dix maternités et une vie assez agitée.

Articles : Thérèse Pichard