Javascript Menu by Deluxe-Menu.com fable Jean de La Fontaine : Epitre à Madame de La Sablière
portrait de Jean de La Fontaine le corbeau de la fable jardin de la maison natale actuellement le perron de l'entrée de la maison
Fable, Jean de La Fontaine, 
Le Corbeau, la Gazelle, la Tortue et le Rat,  Livre XII, fable 15 (ici : épître précédant la fable, cliquer sur le lien ci-dessous pour lire la fable)
 

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LE CORBEAU, LA GAZELLE, LA TORTUE ET LE RAT

A Madame de la Sablière

Je vous gardais un temple (1) dans mes vers :
Il n'eût fini qu'avecque l'univers.
Déjà ma main en fondait la durée
Sur ce bel art qu'ont les Dieux inventé,
Et sur le nom de la Divinité
Que dans ce temple on aurait adorée.
Sur le portail j'aurais ces mots écrits :
PALAIS SACRE DE LA DÉESSE IRIS ;
Non celle-là qu'a Junon à ses gages ;
Car Junon même et le Maître des Dieux
Serviraient l'autre, et seraient glorieux
Du seul honneur de porter ses messages.
L'Apothéose à la voûte eût paru ;
Là, tout l'Olympe en pompe eût été vu
Plaçant Iris sous un dais de lumière.
Les murs auraient amplement contenu
Toute sa vie, agréable matière,
Mais peu féconde en ces événements
Qui des états font les renversements.
Au fond du temple eût été son image,
Avec ses traits, son souris, ses appas,
Son art de plaire et de n'y penser pas,
Ses agréments à qui tout rend hommage.
J'aurais fait voir à ses pieds des mortels
Et des Héros, des demi-Dieux encore,
Même des Dieux : ce que le Monde adore
Vient quelquefois parfumer ses autels.
J'eusse en ses yeux fait briller de son âme
Tous les trésors, quoique imparfaitement :
Car ce coeur vif et tendre infiniment
Pour ses amis et non point autrement ;
Car cet esprit qui né du firmament,
A beauté d'homme avec grâce de femme,
Ne se peut pas comme on veut exprimer.
O vous, Iris, qui savez tout charmer,
Qui savez plaire en un degré suprême,
Vous que l'on aime à l'égal de soi-même
(Ceci soit dit sans nul soupçon d'amour ;
Car c'est un mot banni de votre cour,
Laissons-le donc), agréez que ma Muse
Achève un jour cette ébauche confuse.
J'en ai placé l'idée et le projet,
Pour plus de grâce, au devant d'un sujet
Où l'amitié donne de telles marques,
Et d'un tel prix, que leur simple récit
Peut quelque temps amuser votre esprit.
Non que ceci se passe entre Monarques :
Ce que chez vous nous voyons estimer
N'est pas un roi qui ne sait point aimer ;
C'est un mortel qui sait mettre sa vie
Pour son ami. J'en vois peu de si bons.
Quatre animaux vivant de compagnie
Vont aux humains en donner des leçons.


"Le corbeau, la gazelle,
la tortue et le rat" est précédée d'une épître à Madame de La Sablière
(1) L.F. a déjà prononcé deux Discours
à Madame de La Sablière :
- en 1679, il écrivait des paroles d'admiration et de tendre
amitié à sa protectrice (à laquelle il donne le nom d'Iris)
qui précédaient les 4 exemples destinés à combattre
la théorie des "animaux-machines" développée
par Descartes. (fin du livre IX)
- en 1684, lors de sa réception à l'Académie Française
....."Je m'avoue, il est vrai, s'il faut parler ainsi,
Papillon du Parnasse, et semblable aux abeilles
A qui le bon Platon compare nos merveilles.
Je suis chose légère, et vole à tout sujet ;"......
Le temple que L.F. lui voue ici est un couronnement
à ces deux Discours : c'est une variation sur les vers
d'Horace (Odes, III).
"Déesse de l'amitié, Mme de La Sablière a créé autour d'elle
une religion de l'amitié dont les Fables sont les écritures
saintes, une religion qui est sagesse. [...] l'amitié est la
valeur suprême, le sens ultime de la vie humaine."
(M.Fumaroli, L.F. fables)

 

 

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