Javascript Menu by Deluxe-Menu.com La famille d'Hervart ou Herwarth et Jean de La Fontaine
portrait de Jean de La Fontaine le corbeau de la fable jardin de la maison natale actuellement le perron de l'entrée de la maison
LA FAMILLE HERWARTH

"M. et Mme Herwarth, amis parisiens de La Fontaine".

Communication faite par M. Lorion, Mémoires de la Fédération des Sociétés d'Histoire et d'Archéologie de l'Aisne, tome IX, 1963. (D.R.)

Anne Herwarth, seigneur de Bois-le-Vicomte, était petit-fils du banquier protestant Daniel, venu d’Allemagne, fixé à Lyon, et fils de Barthélemy, naturalisé français, également banquier, mais à Paris. Ce dernier, homme d’affaires avisé, réalisa une énorme fortune dont il fit bénéficier son pays d’adoption puisque c’est grâce aux sommes importantes qu’il prêta à l’État que Mazarin put continuer la lutte contre les Impériaux, acheter les troupes suédoises et ainsi conserver l’Alsace à la France. 11 en fut récompensé par la charge de Contrôleur des Finances. Malgré l’amicale insistance d’Anne d’Autriche, il ne consentit jamais à abjurer la Religion Réformée et ne cessa de protéger de son mieux ses coreligionnaires persécutés. Longtemps familier de Fouquet, c’est à Vaux-le-Vicomte qu’il connut Jean de La Fontaine.

Son fils Anne, bien en Cour, Conseiller au Parlement, puis Maître des Requêtes aux Conseils, aurait été Commissaire pour l’exécution des Édits contre les Réformés dans la Généralité de Paris, concomitamment avec un catholique. Il vivait fastueusement grâce à la fortune laissée par son père.

En 1685, il se convertit au catholicisme, sans doute pour épouser Françoise le Ragois, fille du sieur de Bretonvilliers. Celui-ci, président de la Cour des Comptes, très riche bourgeois avare et dévot, était propriétaire d’un magnifique hôtel en l'île Saint-Louis. Un de ses frères, également fort dévot, consacra ses ressources au développement du Canada évangélisé par les Sulpiciens.

La jeune épouse, 20 ans, était célèbre dans tout Paris par sa beauté ; de surcroît, elle était sage - et le resta ! Alors que La Fontaine vivait encore chez Mme de La Sablière, il aimail fréquenter le salon de la belle Mme Herwarth. Il s’y plaisail beaucoup. Il célébra avec un juvénile enthousiasme la charmante maîtresse de maison sous le nom de Sylvie.

En juillet 1694, Mme de La Sablière meurt, après avoir jus qu'au bout assuré la vie quotidienne de son cher poète. Que va faire La Fontaine? Revenir à Château-Thierry ? Il est trop habitué à Paris, à ses amis, à la société des beaux esprits, à l’Académie. Tout ingénument, il accepte sans se faire prier l’hospitalité d' Anne Herwarth.
Il était temps, car il vieillissait et la maladie le guettait. Les Herwarth et lui étaient liés depuis longtemps. Il passait souvent l’été chez eux à Bois-le-Vicomte. Anne venait chez lui, rue St-Honoré, où il retrouvait Verger, ancien précepteur d’un de ses jeunes frères, abbé de cour assez scandaleux, délicieux poète et charmant ami, et d’autres habitués, pour la plupart gens de robe, mais aussi gens d’esprit. Il rencontrait aussi dans la « Chambre des philosophes » de jeunes et jolies clavecinistes fort agréables, et toujours une atmosphère pleine d’entrain et de bonne humeur.

Le fabuliste achèvera donc son existence à l’Hôtel Herwarth, rue Plâtrière (actuelle rue J.-J. Rousseau), édifié par le père d’Anne, orné par les artistes les plus célèbres d’alors, particulièrement le Champenois Mignard, splendide demeure que fréquentaient toutes les célébrités du moment : philosophes, écrivains, artistes, dames de beauté et de qualité. Mme Herwarth veillait sur La Fontaine comme sur un enfant, réglant discrètement sa dépense, ordonnant son porte-manteau. Le poète admirait la beauté de sa bienfaitrice, son esprit, son égalité d’humeur, sa vertu. Car il reconnaissait humblement qu’il n’était, lui, guère vertueux, qu’il avait.., des faiblesses. Il en eut une précisément au château de Bois-le-Vicomte envers une certaine demoiselle de Beaulieu : il faillit perdre la tête. On peut croire qu’il se plaisait en cette magnifique demeure Louis XIII entourée de bosquets délicieux. Il y fit un dernier séjour en octobre 1694 et sut encore, malgré son âge, célébrer avec son habituel talent le charme du paysage, celui de son hôtesse et de ses belles amies.

Anne
Françoise

Puis il songe à sa fin prochaine. A vrai dire, il y songe -de temps en temps- depuis la mort de Mme de La Sablière. Après une grave maladie, il prend véritablement peur de l’au-delà, se confesse à un jeune vicaire de Saint-Roch en toute loyauté et toute humilité, aussi ardent chrétien qu’il s’était jadis montré épicurien insouciant. Mme Hcrwarth, par son exemple, sa bonté, sa douceur, comme Racine et Boileau par leurs sages recommandations, l’aident à finir paisiblement, faisant l’édification des uns, étonnant les autres. Il expire à l’hôtel Herwarth le 13 avril 1695, à 73 ans et 9 mois.
Anne Herwarth lui survécut 4 ans. Mme Herwarth disparut en 1712, à 43 ans, « saisie » par la mort de son frère, lieutenant-général du Roi au Gouvernement de Paris, célébrée par tous les mémorialistes - même par cette mauvaise langue de SaintSimon - pour sa grâce, sa modestie, son esprit. L’hôtel de la rue Plâtrière fut vendu et, complètement transformé, devint l’Hôtel des Postes.
Nous conserverons le souvenir des époux Herwarth, types de ces bienfaisants mécènes d’autrefois, si nécessaires alors aux gens de lettres et aux artistes ; leur hospitalité discrète, leurs généreux subsides permettaient à leurs amis de vivre sans grand souci du gain quotidien, libres de ne songer qu’à l’éclosion de leurs oeuvres suivant l’inspiration de leur génie. Grâce à M. et Mmc Herwarth, notre cher Fabuliste connut une fin de vie apaisée, décente, honorable, celle dont sa gloire était digne.