Le Soleil et les Grenouilles
Aux noces d'un Tyran (1) tout le Peuple en liesse
Noyait son souci dans les pots (2).
Esope seul trouvait que les gens étaient sots
De témoigner tant d'allégresse.
Le Soleil, disait-il, eut dessein autrefois
De songer à l'hyménée.
Aussitôt on ouït (3) d'une commune voix
Se plaindre de leur destinée
Les Citoyennes des étangs.
Que ferons-nous, s'il lui vient des enfants ?
Dirent-elles au Sort, un seul Soleil à peine
Se peut souffrir (4). Une demi-douzaine
Mettra la mer à sec et tous ses habitants.
Adieu joncs et marais : notre race est détruite.
Bientôt on la verra réduite
A l'eau du Styx (5). Pour un pauvre Animal,
Grenouilles, à mon sens, ne raisonnaient pas mal.
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Illustration : Grandville |
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La fable de titre identique (le soleil et les grenouilles) n'a pas été reprise par La Fontaine dans ses recueils, mais a été publiée de son vivant.
Sources : Esope, Phèdre... |
(1) chez les Grecs : souverain absolu d'une cité
(2) les cruches de vin (on dit actuellement prendre un pot pour prendre un verre)
(3) on entendit (on n'emploie plus ce verbe que dans l'expression J'ai ouï dire)
(4) supporter
(5) Le Styx est le fleuve marécageux des Enfers, dans la mythologie. Les grenouilles n'auront plus qu'à s'y réfugier
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