La
Fontaine, les livres, les artistes (Bulletin N°10)
Le poète n'a jamais occulté l'importance de l'impact
visuel qu'il accordait au texte : voyager au pays des Fables c'est accepter
de regarder le monde avec l'oil du poète.
Une promenade dans le monde des Fables de La Fontaine
est donc affaire de regard, mais aussi de sensibilité à la légèreté
raffinée de sa poésie. L'acuité requise n'est pas uniquement visuelle,
il faut également avoir l'ouïe fine pour percevoir la subtile mélodie
de ces vers où tout est davantage suggéré.
À mi-chemin de la culture savante et de la culture
populaire, la poésie des Fables est une poésie qui donne à voir. Le
vice et la vertu, la folie et la cruauté, l'inconséquence, la vanité.
tout un art de regarder est nécessaire pour comprendre. Chaque tableau
de la comédie humaine est chez La Fontaine une mise en miroir de la
société à travers un reflet animal.
Dès le début, La Fontaine a été une source d'inspiration
inépuisable pour les artistes fascinés, se promenant d'une fable à l'autre,
avançant dans la juxtaposition plaisante de ces tableaux si génialement
peints. On se trouve confronté à une évidence : la fable est indissociable
de l'art de l'image, du récit plastique. Dès la première édition de
1668, le poète en a décidé ainsi : chacune de ses fables est parue illustrée
par François Chauveau, le graveur du roi. La mise en résonance du texte
par l'image a donc été voulue par La Fontaine. Le résultat est
là : il est l'écrivain le plus illustré de la littérature française.
La multiplicité des illustrations a eu néanmoins
un préalable incontournable : chaque artiste est d'abord un lecteur.
Pour donner à voir la fable, l'illustrateur doit recomposer le miroir
du poète à travers son propre reflet. Comment l'oil de l'artiste va-t-il
traiter la résistance inhérente à toute interprétation ? L'aboutissement
de cette démarche n'est-il pas d'entrer en concurrence avec le génie
du texte et le talent du poète ? Le processus du passage du texte à
l'image est délicat, il faut de l'intuition et de la finesse pour
percer le voile de la fable.
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Sagesse révélée, sagesse voilée, la sagesse des
fables est celle des Anciens, celle de la révélation première. Le monde
des Fables n’est pas très loin du monde de la Bible. Des énigmes, des
figures, des paraboles sont les véhicules du sens.
Depuis ce 31 mars 1668, la magie lafontainienne
a incité de nombreux créateurs à lui faire écho par l’image. La qualité
de cette résonance dépend de la capacité de chaque artiste à voir et
à entendre au-delà de l’écran de la fable, sans se faire happer par
l’œil du poète.
Christiane Sinnig-Haas, Conservateur du patrimoine
Les éditions Chandeigne ont publié en 2001 Les
fables de La Fontaine du monastère de Saint-Vincent à Lisbonne.
Étonnant La Fontaine.
Qui s'attendrait à découvrir dans un lieu de prière des panneaux d'azulejos,
ces carreaux de faïence émaillés et ornés, représentant des fables de
La Fontaine d'après les illustrations de Jean-Baptiste Oudry ? L'Exposition
mondiale de 1998 à Lisbonne fut l'occasion de restaurer le monastère
de Saint-Vincent et de sortir des cloîtres ou débarras qui les cachaient
ces panneaux ignorés de tous, simplement mentionnés dans le Guide du
Portugal publié en 1924 par la B.N. de Lisbonne. Les fables n'étaient
pas prêtes pour l'ouverture de l'Exposition, le public peut les admirer
depuis quelques années seulement. Le livre reproduit les trente-huit
fables de Saint-Vincent, accompagnées du texte correspondant de La Fontaine
et d'une traduction portugaise.
disponible
à la boutique du musée.
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